Menu

Un Coming-Out difficile.

25 novembre 2014 - Coming-Out, Non classé, Perso, Pré-THS

[TW transphobie, homophobie, self-harm, grossophobie, psychophobie, quelques évocations de suicide, TCA]

Voilà. Il faut bien commencer quelque part.

Mon Coming-Out.

C’était le Samedi 17 mai.

Il devait être 10h30, je dormais encore. Mon téléphone sonne, je réponds. ( En rose, ma mère, en bleu, moi. )

« Tu vas te bouger les fesses et trouver du boulot pour cet été ! Dès que tu rentres, je veux que tu fasses tes lettres de motivations et tes CVs. Tûûût. Tûûût. »

C’était ma mère.

Oui, j’admets m’y être pris tard. Mais être agressive comme ça de bon matin… Ça m’a mis de très mauvaise humeur.

Je me lève, me douche, et me prépare pour la Marche des fiertés de Dijon. Ma première Marche des fiertés. Un rêve tant ça faisait longtemps que je voulais y participer. J’avais même aidé à coller quelques affiches.

Et je cogite. Je cogite. Et je me dis : « Merde ! Elle a voulu gâcher ma journée ? Ben je vais tout lui balancer dans la gueule. J’en ai marre de garder ça pour moi. Je peux pas évoluer comme ça… »

J’envoie un message à ma tante, comme quoi elle peut préparer le terrain (C’était plus ou moins notre plan.). Elle me demande plusieurs fois si je suis sûr. Je lui confirme que c’est bon.

Et puis, le 17 mai, c’est symbolique. C’est la journée de la lutte contre les LGBTphobies.

Une demie-heure plus tard, mon téléphone re-sonne. La maison.

« Allô ?

_ Oui, c’est moi, tu n’as pas honte de nous dire ça par quelqu’un d’autre ? C’est quoi ton soucis ? Tu es lesbienne ? Ça on le sait depuis longtemps tu sais !

_ Non c’est pas ça.

_C’est quoi alors ?

_ Je ne préfère pas vous le dire par téléphone. Ce soir quand je rentrerais. De vive voix.

_ Bon, d’accord. »

Dix minutes plus tard, le téléphone sonne. Même personne.

« Oui ?

_ Bon, ça m’énerve, là ! C’est quoi ton soucis ?

_ Je t’ai dit ce soir ! Ça se dit pas au téléphone…

_ Tu veux devenir un garçon, c’est ça ?

_ Pfff… Je t’avais dit que ça attendrais… Oui, c’est plus ou moins ça.

_ Plus ou moins ?

_ Ben… Je veux pas devenir un garçon pour le fun… C’est que je me sens homme. Voilà.

_ N’importe quoi…

_ Quoi ?

_On en reparle ce soir. Sache que ce que tu as fait, d’en parler à d’autres avant nous, c’est impardonnable. C’est la pire chose que tu aies pu nous faire. »

Et bim. Plus envie d’aller à la Marche… Bouleversé. Complètement choqué…

Je fais ma valise. J’efface toute trace de moi sur Facebook. J’avertis trois potes que je ne viendrais pas à la Marche et leur explique que j’ai fait mon Coming-Out, et que ça se présente très mal. Je prends le bus, et durant le trajet, le bus passe devant la place Wilson où se prépare la Marche. Je ne vois aucun de mes amis, ni Damia, mais je sais qu’ils sont là. Ma gorge se serre. J’ai envie de les rejoindre… Mais je suis trop mal pour qu’ils me voient ainsi.

Arrivé à la gare de chez moi, mes parents m’attendent dans la voiture pour me ramener. Ni bonsoir, ni merde. Je monte dans la voiture. Ma mère monte à l’arrière avec moi. Elle me parle. Beaucoup.

Je ne retiens pas tout. À part cette phrase : « Faire ça, c’est de la mutilation. Tu seras marginal, tu finiras sous un pont, prostitué et tu te suicideras ! »

Je précise qu’elle a dit ça dans un ton déterminé. Sûre d’elle. Elle sonne comme un bourdonnement assourdissant dans ma tête.

Entendre ça de la bouche de ses parents est pire qu’on ne le crois… J’aurais préféré qu’ils me renient.

Mais non, je vais devoir me taper la culpabilité d’être moi-même, d’exprimer ce que je ressens.

À ce moment-là, je préfère mourir que de continuer à vivre dans ce corps. Une seule pensée me retient. Une seule personne. Damia.

Je prends tout ça sur moi, mets mon masque pour ne laisser paraître aucune émotion et essaie d’aller dans le sens de mes parents. Ne pas les brusquer.

Pour que vous compreniez un peu mieux leurs sentiments, il faut que vous sachiez que je ne les ai pas ménagé par le passé… Tentatives de suicide, scarifications, anorexie, puis boulimie-anorexie…

Mais à chacune de ces mauvaises périodes, ils me disaient : « Ça y est ? Tu t’es bien fait remarquer ? On peut avoir la paix maintenant ? »

Je souffrais vraiment à cette époque. Je refusais ce corps, sauf que je ne savais pas pourquoi.

Et ils pensaient que je faisais ça pour les embêter.

D’accord d’accord.

Donc pour eux, ce n’est qu’une autre passe de plus, avec un sujet de plus en plus « extrême » histoire de mettre du piment dans ma vie.

Sincèrement : Merde.

Si je voulais mettre du piment dans ma vie, je ferais des sports extrêmes, j’aurais fait d’autres études, plus… mouvementées !

J’y peux rien, moi si je suis dans ce corps… Et j’ai pas demandé à exister, à naître…

Bon, la suite.

« Et ta grand-mère, elle ne veut plus te voir, hein ! Ne compte pas manger chez elle ce soir !

Tu savais qu’elle pouvait tout entendre ! Tu aurais pu lui parler ! »

Je ne réponds pas. Je reste de marbre.

« Tu vas nous en inventer encore des conneries pareilles ?

Non mais, franchement…

Tu as un soucis ma belle ! Faut que tu ailles voir un psy !

Ou peut-être qu’il faut t’enfermer !

Tu fais des études de psychologie pour te soigner ? C’est pas comme ça que tu vas y arriver !

Tous ceux qui font des études de psychologie sont mal dans leur peau, de toutes façons…

C’est pour vous soigner que vous faîtes ça ! »

Et là, vous vous demandez : « Et son père, là-dedans ? »

Ben lui… Ben lui… Il restait à côté, « regardait la télé » et fermait sa gueule.

Rien à dire.

Faut dire qu’il a appris tout ça par son meilleur ami, quoi…

Je sais que la façon dont ils l’ont appris n’est pas la bonne… Mais ça change quoi ?

Rien.

                                                           * * *

Comment s’est passée cette semaine à leur côté ? Horrible

« Tu vas arrêter d’y penser à ces conneries, tu vas voir ! Et si tu dis des trucs pareils parce que t’es mal dans ta peau parce que tu dois maigrir, tu vas voir, je vais te le faire bouger, moi, ton gros cul !

Demain, tu nettoieras la salle de bain. A fond. Puis tu peindras les plinthes de ta chambre.

Et tu passeras l’aspirateur partout dans la maison. Et tu feras tes lettres de motivation et tes CVs.

Et lundi et mardi, tu iras les déposer. »

                                                           * * *

C’est ce que j’ai fait toute la semaine. Et comme il faut. Ça ne m’a pas aidé à oublier, bien au contraire. Je cogitais, je pleurais. Elle pleurait également. Mais j’en avais plus rien à faire. Pour moi, ils ne m’intéressent plus. Ce sont mes parents, financièrement.

J’ai beaucoup parlé avec ma tante et sa fille durant cette semaine, elles m’ont permis de pas exploser et tout foutre en l’air. Me foutre en l’air.

                                                           * * *

En résumé, si je « veux devenir un garçon », pour eux (mes parents), c’est :

Parce que je suis mal dans ma peau

Parce que j’ai mes règles (Vous, les personnes avec un utérus fonctionnel, contenez vos rire, s’il vous plaît, vous êtes toustes des FtM !)

Parce que j’ai des kilos en trop et donc des formes très généreuses.

Parce que je veux faire chier mes parents.

                                                           * * *

Au final, j’ai pu retourner sur Dijon retrouver mes amis et Damia.

Mais ça reste une situation difficile. Délicate. J’espère que ça s’améliorera.

Voilà, c’était un Coming-Out difficile.

8 réflexions sur “ Un Coming-Out difficile. ”

0llo

Histoire très touchante. Visiblement ce sont tes parents qui ont besoin d’une thérapie. Je te souhaites de devenir la personne que tu veux être.

Répondre
Sadiel

Allez courage ! Ça ira mieux.
Ne te mure pas dans le silence. Si tu ne leur parles pas, ils ne peuvent pas comprendre ce que tu vis. Et si tu pleures, ne pleure pas dans ton coin, pleure devant eux qu’ils comprennent que c’est eux qui te font pleurer.

Répondre
Corcaigh68

Ça fait froid dans le dos. Mais je te souhaite sincèrement de parvenir à tes fins. Pour ton bien être. Et parce que tout le monde a le droit au bonheur!!! Merci pour ton témoignage

Répondre
zico

Ton histoire est émouvante et en même temps la réaction de tes parents fais peur ! Quand on voit tout ce que tu as subit on a envie que d’une chose : t’aider ! Et eux c’est quasiment le contraire.
Bon courage à toi et surtout profite des instants passés aux côtés de ta moitié !

Répondre
mysteriouscow

Est ce que la relation avec tes parents a un peu évolué entre temps ?

Répondre
    Tomboy

    Salut, je n’ai pris le temps de répondre aux commentaires qu’aujourd’hui :S

    Ben négativement non, c’est toujours pareil. Sans la transphobie. Enfin… J’évite le sujet, et tout se passe bien.

    Répondre
Evangéline

Whaaaoo, la réaction des parents, dure quoi. En tout cas tu as tout mon soutiens, car ce genre de phrases qu’a dit ta mère, sa fait froid dans le dos.

Répondre
  • Ping : Une Assistante Sociale En Or. | Le Chemin D'une Transition

  • Laisser un commentaire

    Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *