[TW psychiatrie, hôpital psychiatrique, médicament, suicide, self-harm, mal-être, TCA]
Je ne sais pas en combien de partie cette »série » se rédigera, mais peut-être que ce vendredi 27 février sera une journée bien remplie.
Vendredi :
7h03 : Je suis réveillé depuis une demie-heure. J’attends l’infirmier ou l’infirmière qui va venir mesurer mon pouls et ma tension.
Alors je vous écris car je pense à vous tous.
À mes camarades non-binaires sur Facebook, les FtM de ce même réseau social, mes ami.e.s, mon Harmonie, mes lecteurs…
Comme je vous l’ai dit, le médecin généraliste voulait certains documents attestant ma légitimité à me genrer au masculin. Damia apportera, j’espère, cette seconde attestation. Ainsi je serais masculinement plus officiel.
Après en avoir parler au médecin hier, l’infirmière présente lors de l’entretien est venue dans la chambre que j’occupe pour une question légitime : « vous êtes dans une chambre double… seul pour l’instant, mais s’il devait y avoir un patient… un homme, ou une femme ? »
Elle paraissait gênée et hésitante dans sa question.
Je lui ai répondu « avec une femme »
Car oui, les personnes trans se sentent moins en sécurité en début de parcours avec des hommes cis qu’avec des femmes cis.
Et, pour en revenir à l’entretien, le médecin m’a dit qu’il me fera passer des tests. Le MMPI (ou MPI, j’ai pas bien entendu, ni bien révisé mes cours de psychologie clinique), le TAT (celui-là est pas mal et ça me plairait bien.) et peut-être celui de Rorschach (mon préféré.)
J’ai quand même été surpris et lui ai demandé pourquoi.
« Curiosité intellectuelle ».
Bon. Nous verrons.
Mon réveil vient de sonner, il est 7h15, l’infirmière va pas tarder. Dernier bilan matinale demain.
Ensuite, petit déjeuner où je ne mangerai évidemment pas.
D’ailleurs, je ne mange pas, mais je suis bouffi de la face… Serait-ce le traitement ? (quatre lysanxia par jour à jeun, du coup, et un demi tercian le soir?)
Je demanderais à l’infirmier.
Pourvu qu’il ne traîne pas trop, je voudrais prendre ma douche avant de descendre. Hors de question que je descende en pyjama.
7h20 : L’infirmière arrive avec un appareil automatique de prise de tension. « Tom-Alex, c’est vous ? »
Je lui réponds que oui, souriant.
Elle ressemble à ma tante. Nous discutons un peu.
Je lui demande si les médicaments que je prends peuvent faire grossir. Avec la dose que je prends non. Donc je suis juste bouffi de la face par le stress ? Faut croire.
Elle essaie de me convaincre de manger une demie-tartine. Même si elle comprend que parfois, on a pas du tout cette sensation de faim.
Bon.
Mon pouls est de 62 et ma tension à 11,3
Hier c’était 80 et 11,5
(le pouls doit se trouver entre 60 et 80)
Tout va bien. J’ai un métabolisme de malade. Sans jeu de mot.
7h34 : Je vais prendre ma douche.
Je m’habille.
Je mets mon packing dans ma culotte. Je me sens heureux soudainement. Vraiment. Voir cette bosse me soulage.
8h : Routine du petit déjeuner. Il y avait les deux infirmières que je préfère.
…
Bon, on propose le petit-déjeuner. Je refuse. Une mes infirmière préférée me fait les gros yeux d’infirmière sympathique. Je ne montre que de la rébellion.
Elle me dit qu’elle viendra me voir après. Je lui dit que ce n’est pas la peine. Re-gros yeux.
J’étais plus souriant, on m’appelez Tom/Tom-Alex donc forcément…
Elle revient vers moi me donner mes lysanxia. Je refuse gentiment. Elle me dit que c’est que quand je suis angoissé, et qu’ils sont disponibles si je le désire.
Je veux arrêter d’être addictif à ça. Donc j’arrête.
8h20 : Je retourne dans ma chambre, je ferme les volets, éteins les lumières, et me re-prépare à passer une journée de folie.
09h16 : Je pense que je vais aller pioncer.
Vivement 14h (oui, parce que c’est à 14h, les visites, pas 14h30).
Je serais avec Damia, notre ami.e et une autre connaissance qui commence à devenir sérieusement une bonne connaissance.
Je traîne au lit. Dans le noir.
11h30 : On m’appelle, une médecin généraliste veut me voir.
Je m’étais endormi.
Le temps que je me prépare, une infirmière (celle que je préfère) me dit qu’une nouvelle patiente sera transférée ici dans la journée et donc, vu mon identité de genre, ben elle me dit que je vais être en chambre individuelle. J’ai qu’à placer toutes mes affaires sur le lit et dans la table de chevet. Et comme tout est à roulette, ben… Ça roule.
Je re-re-re-raconte tout à la médecin généraliste.
Elle constate que je ne mange pas.
C’est pas comme ça que je vais perdre du poids.
On fait un compromis. Un peu de légumes, un peu de viande, un peu de féculent.
J’accepte.
12h : Premier repas.
Je mange un peu de carottes, un peu de riz.
12h10 : Je sors, mon changement de chambre est fait.
Je bois trois grosses gorgée d’eau.
Et je vais donc vomir dans mes nouveaux WC.
Me faire vomir.
Je me sens mieux.
C’est la délivrance.
12h30 : Je range mes affaires.
12h40 : Je me renseigne pour mes tests.
Je les passerais probablement demain ou dimanche.
Les tests de personnalités.
Peut-être découvriront-ils que je suis autiste ? Et dyspraxique peut-être ?
Ou pas.
Le MMPI, le rendez-vous n’a pas encore été pris.
Je rentre dans ma chambre. J’ai vu sur l’arrêt de bus que prend Damia pour venir me voir.
Je m’installe là.
13h48 : Damia est partie. Je vais me faire tout beau pour l’accueillir et mes ami.e.s
14h10 : Damia est arrivée, nous profitons de l’heure qui nous est réservée, car des ami.e.s viennent nous rejoindre après.
15h : Nos ami.e.s sont là. Nous profitons.
17h30 : On m’appelle. Le médecin généraliste veut encore me voir.
Je crois que j’ai compris. Je suis son « fantasme transsexuel »
Un FtM en parcours privé.
Une infirmière en chef était présente, et il a fallu que je re-re-re-répète que oui je suis sûr, que je sais tout ce que ça engendre, que je ne suis pas fou, que je re-re-re-re-explique ma puberté.
Et en plus de ça, il voulait voir mes cicatrices.
C’est bon ? Le freak-show est terminé ? Je peux aller rejoindre mes amis ?
« Vous êtes très pudique vous, hein ! » me dit-il en souriant.
Non pas du tout, c’est génial de montrer un corps qu’on déteste bourré de cicatrices à un inconnu. GÉ-NIAL.
Je suis retourné voir mes amis.
Ensuite, je me suis trouvé un peu paumé. Désorienté. Comme s’il essayait de me faire mettre un doute. Sûrement pour que j’aille dans ces foutues équipes.
18h30 : Je quitte mes ami.e.s et Damia.
À peine sont-ils partis que je me suis rué dans ma nouvelle chambre.
Ils me font des coucous que je vois à travers la fenêtre. Je les vois. Ils sont loin… mais si proches…
Je pleure.
Je les vois monter dans le bus, je suis en larmes. Je m’effondre. Me voilà de nouveau seul.
18h45 : L’infirmière me dit que c’est l’heure. Je vais donc manger.
Une part de tarte aux poireaux. Je ne mange que la garniture.
J’essaie de partir de table. On me dit non pour cette fois.
J’attends.
Je bois beaucoup en attendant.
19h20 : Je cours dans ma chambre.
J’avertis Damia et un.e de mes ami.e.s que je viens de finir de manger et que je suis aux WC.
Le message n’est pas passé, ils n’ont pas compris. Pourtant ils savent pour ce midi.
Je bois encore beaucoup et me fais vomir.
Le cercle vicieux recommence.
L’endorphine fait son effet.
Je n’ai pas pris de cachet. Je suis bien.
Je suis en pyjama.
Dans mon lit.
Je dis à Damia et un.e de mes ami.e.s que je ne veux plus de visites.
Ils ne me comprennent pas, je ne veux plus les voir.
Demain, un.e infirmier.ère prendra mon pouls et ma tension de nouveau, et ce sera toujours bon, comme d’habitude, et personne ne se rendra compte de rien.
23h20 : Je ne dors pas. J’ai beaucoup parlé avec un.e ami.e et Damia
Je me suis disputé avec Damia.
Je ne veux pas de visites demain. Elle insiste pour venir.
Elle veut venir et elle viendra alors que je veux pas.
Rien à voir avec les personnes qui sont venues.
Juste… Je veux… Être tranquille. Me reposer. Je suis là pour ça, non ?
Ne plus être ramassé à la petite cuillère.
Je suis détruit à chaque départ.
Mes envies d’en finir sont toujours présentes dans ces moments-là.
Mais je sais manipuler les psychiatres par rapport au mal-être.
C’est facile. Il suffit d’être franc et dire le mensonge comme une vérité. S’en persuader soi-même.
J’ai toujours fait ça avec ma mère. «Oui je vais bien.»
Malheureusement, les tests, c’est différent.
Bon. Faut quand même que je dorme.
Samedi :
03h47 : la fatigue arrive un peu…
Une infirmière est venue deux fois car elle devait entendre que j’arrivais pas à dormir.
J’ai bloqué Damia de mon Twitter et Facebook pour l’éloigner de tout ça.
Et aussi pour prendre de la distance.
Du coup ça me tracasse.
J’ai pu faire des pompes, des abdos, du gainage… Reprendre doucement les bases du karaté full contact.
Je commence à avoir mal au ventre.
Je suis mal. Malheureux.
J’ai discutée avec une amie qui me connaît bien. Je suis bien conscient que c’est à cause de ma mère que j’en suis arrivé là…
Mais je ne tiens plus… Je sens qu’elle va m’appeler demain ou dimanche.
Je tiendrais pas…
Elle va encore me faire le coup de la tristesse… Et ça va me réduire en bouilli…
Je vais essayer de dormir…
07h55 : je n’ai pas entendu mon réveil. Enfin si, j’ai dû l’éteindre et me rendormir assez rapidement.
C’est un infirmier qui me réveille.
Je saute du lit, me prépare et finalement je retourne me coucher.
08h10 : L’infirmière appelle dans ma chambre. Obligé d’aller me présenter au petit-déjeuner.
Je lui explique que j’ai peu dormi. « Présentez vous quand même, et vous prendrez vos cachets »
J’y vais donc, m’assois à une table de mutiques et attends, m’endormant presque.
Elle vient vers moi. Je refuse ces cachets. Ces anxiolytiques. Ces Lysanxia.
Je suis dans la merde à cause d’eux et leur accoutumance, c’est bon. Elle me dit que c’est pas bon d’arrêter brutalement. Okay. J’en prends un.
Elle me dira que je reverrais le médecin généraliste pour me prescrire une nouvelle dose. J’aimerais ne plus en avoir du tout.
J’exprime mon mécontentement. « Ça se passe mal avec lui ? »
Je lui répond que oui, TRÈS mal.
08h56 : Je vais essayer de dormir.
09h20 : J’essaie de dormir.
Impossible. Je sens une angoisse qui monte.
Je prends sept lisopaïne d’un coup. Je sais que ça ne fera rien, mais il me faut un truc à avaler qui soit médicamenteux.
10h : Mon banquier m’appelle. Ça m’a angoissé. Merci à ma phobie du téléphone.
Je téléphone ensuite à ma future ancienne banque. Je stresse. Tout se passe bien mais ça va pas.
10h : Premiers effets du lisopaïne : diarrhées violentes. J’ai rien dans le ventre. Je vous laisse imaginer la douleur de sortir de l’acide.
Je me roule en boule, et la crise de panique commence.
J’envoie un mail à Tonton Jeff (un musicien de l’Harmonie)
Je l’appelle à l’aide. Je sais qu’il est loin. Mais je veux juste causer.
Je lui explique.
Il est occupé, il me répondra plus tard. En attendant, j’essaie de calmer ma panique.
Je pense à du positif.
Ça continu de monter.
J’angoisse. J’hyper-ventile.
12h : Je suppose car coup de téléphone dans ma chambre. Mon absence à table fait tâche. Ca me panique encore plus.
Une infirmière arrive plus tard. Elle essaie de me calmer. Elle me touche la jambe. Je me raidit.
Trou noir.
Je me souviens juste de la discussion. Que j’en ai marre d’être le cobaye du docteur pervers. Celui qui aime bien m’entendre raconter ma puberté, et tout.
Je ne l’aime pas, ce docteur pervers. Je lui dit qu’il insiste sur le fait que j’ai un physique féminin.
Elle dit que « En même temps, c’est vrai. Même si tu essaies de le cacher par touts ces couches de vêtements. »
Elle dit que j’ai un faciès féminin aussi.
Que j’ai fait le choix de faire cette transition et que je dois assumer.
Elle me demande de la regarder.
Je lui dis que je suis autiste. Je ne peux pas la regarder dans les yeux.
Elle ne croit pas en mon auto-diagnostique.
Je lui dit que je ne suis pas là à cause de ma transidentité. Mais à cause de ma famille.
13h : Elle doit partir. Je lui dit que je suis désolé. « Tu n’as pas à t’excuser, c’est la direction qui doit s’excuser de ne pas avoir assez de personnel. »
13h30 : Je suis fatigué. Je vais aller jouer de la clarinette. Ça me manque.